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"C'était une submersion tous les 20 ans, là ça peut être tous les deux ans" : des solutions face à la montée des eaux sur la Côte d'Azur ?
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En limitant les émissions de gaz à effet de serre, on peut limiter la vitesse d'élévation de la mer. Ici, la plage de la Mala dans les Alpes-Maritimes, connue pour ses restaurants de plage les pieds dans l'eau. • © Anne Le Hars FTV
Écrit par Aline Métais
Publié le 16/06/2025 à 06h05
Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaciers qui s’accélère, la montée des eaux est inévitable. Comment préserver notre littoral et nos chères plages ? Des ingénieurs mettent en place des aménagements face au risque d’érosion et de submersion. Exemple au Rayol-Canadel, dans le Var.
Société
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C'est un petit coin de paradis qui a bien failli disparaître à cause de l’érosion côtière. Valérie Bertein tient un restaurant sur une plage du Rayol-Canadel dans le Var.
C'est ce qu'on appelle une plage de poche ou une crique. Depuis quelques années, elle a vu la montée des eaux et l’évolution dramatique pour son commerce : "les algues montaient jusque devant le restaurant. C'est monté sur la terrasse, l'eau est montée dans le restaurant et ça faisait beaucoup de dégâts." Au fil des saisons et des attaques de la côte pendant l'automne et l'hiver, la plage s'était rétrécie. Depuis l'installation d'un récif artificiel, elle note une amélioration : "les vagues sont cassées, les algues sont maintenues et le sable reste !"
Récif artificiel
Cette solution, on la distingue à peine de la plage. Une société a implanté un récif artificiel à 50 mètres du rivage. Deux gros tubes en géotextile remplis de sable forment une barrière artificielle qui casse la houle. Comme une barrière de corail.
Les géotubes mis en place par la société Corinthe près de la plage du Rayol-Canadel pour lutter contre l'érosion. • © Corinthe
Résultat : en 5 ans, la plage a gagné 10 mètres de largeur alors qu’elle était en danger. Pour trouver cette solution, des ingénieurs ont analysé les courants et les phénomènes de houle. Sébastien Bernard, ingénieur associé et chef de projet dans la société Corinthe observe les résultats : “Aujourd’hui, on arrive à maintenir une largeur de plage suffisante pour que les estivants, les exploitants, les concessions puissent jouir de cette surface."
Juin 2025, Rayol-Canadel (Var) : cette plage a bénéficié d'aménagements spécifiques pour limiter l'érosion. Elle a regagné 5 mètres de largeur depuis la mise en place d'un récif artificiel. • © Aline Métais - FTV
Des aménagements pour sauver le littoral rongé chaque année par des tempêtes, des coups de mer qui deviennent plus fréquents et plus intenses. C'est ce qu’avaient prédit les scientifiques du GIEC. Car le réchauffement climatique a un impact direct sur la fonte des glaciers et donc la montée des eaux.
Joël Guiot, paléoclimatologue, rapporteur du GIEC et professeur émérite, analyse : "ça s'accélère, il y a quelques années, c'était 2 mm par an, et maintenant c'est presque 5 mm par an. Sur un siècle on est déjà à 20 cm. Quand il y a du vent, des vagues, tous ces phénomènes s'ajoutent finalement à l'augmentation moyenne du niveau de la mer. Et finalement, avant, on avait une submersion tous les 20 ans, là ça peut être tous les deux ans."
Modélisations de la houle
À Grimaud, la société Corinthe étudie différentes possibilités pour sauver des commerces, des restaurants, des installations portuaires. Dans ce bureau d’études, on modélise la propagation de la houle, les risques d’érosion à partir de données qui viennent notamment des satellites. L'objectif est de trouver des solutions concrètes.
Modélisation de la plage du Rayol-Canadel avec la houle. A gauche, sans le récif artificiel et à droite avec le récif. • © Corinthe
Sébastien Bernard développe : "l’installation des géotubes a été accompagnée aussi d'un rechargement de la plage et les géotubes étaient là pour limier l'effet érosif de la houle." Le sable a été prélevé au large pour éviter un va-et-vient des camions sur cette petite plage. Des paramètres précis et ultra-localisés. Actuellement, ils étudient aussi la résistance du port de Saint-Tropez à des houles importantes combinée à la montée des eaux.
La société Corinthe conseille notamment les collectivités de la Côte d’Azur pour échafauder des aménagements adaptés à chaque problématique : des digues, des brise-lames, des enrochements. Mais ils le savent, ces solutions auront une durée de vie limitée.
Le projet du Rayol-Canadel est stable pour une vingtaine d'années. Forcément, l'évolution à l'horizon 2050 ou 2100 avec l'élévation du niveau de l'eau de plus d'1 mètre, il sera nécessaire d’avoir des solutions différentes ou considérer qu'on perdra ce patrimoine du littoral.
Stéphan Lenormand, président fondateur de Corinthe
France 3 Côte d'Azur
C'est pourquoi, sur chaque aménagement, il demande un suivi. La plage du Rayol est par exemple équipée de caméras.
Difficile d'ériger un barrage contre la montée des eaux qui dure des siècles.
Économie du bord de mer
Les scénarios extrêmes prévoient 40 cm d’élévation de l’eau d’ici 2050... et jusqu'à 1 mètre pour la fin du siècle.
Les scientifiques recommandent de ne plus construire près du littoral, voire d’anticiper un retrait massif. Un retrait difficile à envisager sur la Côte d'Azur où l'on a pris l'habitude, depuis les années 50, de construire au plus près de la mer. Immeubles, routes, hôtels, restaurants, voies de chemin de fer, aéroports : c'est toute une économie qui prospère en bord de mer.
Les experts du risque ont créé un outil interactif pour visualiser la montée des eaux en fonction des années.
En rouge, les zones qui seront impactées d'ici 2050 si la montée des eaux est d'1 mètre. • © BRGM
Pour Gonéri Le Cozannet, expert en risque côtier et submersion au BRGM (également co-auteur du 6e rapport du Giec), la seule solution pour gagner du temps, c'est la décarbonation : “en limitant les émissions de gaz à effet de serre, on peut limiter la vitesse d'élévation de la mer, reporter à plus tard des seuils pour lesquels il sera difficile de s'adapter : 1 mètre, 2 mètres, 3 mètres... On peut les reporter de dizaines d'années, voire de centaines d'années. Ce qui donnera du temps pour l'adaptation et d'envisager des relocalisations là où c’est nécessaire."
Il ne prononce pas le terme de "réfugié climatique" mais c'est ce qui pourrait se passer dans certains territoires français ou ultramarins. La bataille s'annonce longue et coûtera cher aux collectivités et aux états.
Juin 2025, Rayol-Canadel (Var) : les travaux de la plage du Rayol ont coûté 2,2 millions d'euros à la commune. • © Aline Métais - FTV
Il y a déjà le coût des intempéries, inondations et vagues de sécheresse qui font augmenter les cotisations des assurances. Mais les aménagements ou le recul des habitations dans les terres ou en hauteur restent encore difficiles à chiffrer. La municipalité du Rayol-Canadel a financé à hauteur de 2,2 millions d’euros les travaux. La plage voisine devrait subir le même traitement. Le prix pour continuer à profiter du paradis.