Flore, faune

Restauration de la flore

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Réchauffement de la Méditerrannée

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Les nurseries

 

DES NURSERIES À POISSONS DANS NOS PORTS, INITIATIVES (TRÈS) EFFICACES, MAIS PAS UNE RECETTE MIRACLE

Par Sonia Bonnin
Le 18/02/23 à 11h05 ● MàJ 18/02/23 à 11h03

Depuis une bonne décennie, des expérimentations sont menées pour offrir gîte et couvert à la biodiversité marine. Dans nos ports, des nurseries à poissons sont immergées, accrochées sous la surface de l’eau. L’espoir est que ces îlots atténuent les effets de la destruction des habitats naturels. Ce qu'on appelle "la réhabilitation écologique" semble montrer une grande efficacité. Pourtant, elle ne peut pas être considérée comme une recette miracle. Ces expérimentations ont leur limite et leur zone d’incertitude.

Marcher sur un quai et regarder dans l’eau, nous l’avons tous fait. Souvent, nous y voyons de petits poissons frayer entre les bateaux. Pourtant, nos quais bétonnés sont des lieux bien peu accueillants, en comparaison avec un rivage naturel.

LE CONTEXTE

Qu'ils soient de plaisance ou de commerce, nos ports sont les infrastructures artificielles les plus répandues sur nos côtes. Non seulement leur construction a détruit des kilomètres de littoral, mais en plus, les activités qui y sont liées engendrent des pollutions à long terme.

Les “locataires” habituels de ces petits fonds côtiers sont, ou étaient, les jeunes poissons. Dans un port, les juvéniles ne trouvent guère d’abris. À l’à pic des quais et poteaux, ils deviennent des proies faciles pour leurs prédateurs. Depuis les années 2000, la fonction de “nurserie à poissons” fait l’objet de nombreuses études. Les résultats confèrent aux ports un rôle particulier en faveur de la biodiversité marine.

“Donner un rôle écologique à des infrastructures existantes”
Marc Bouchoucha, chercheur en écologie de la restauration à l'Ifremer

Dans les Alpes-Maritimes, un tiers du trait de côte est artificialisé (32%), très au-dessus de la moyenne varoise (13%) ou même régionale (20%). Pas moins de 150 marinas sont recensées sur le pourtour méditerranéen français.

Dans ce paysage, quelque 35 ports se sont lancés dans “la restauration écologique”, un terme que nuance d’emblée le chercheur Marc Bouchoucha. “Une véritable restauration écologique impliquerait une réparation intégrale de la nature, ce qui est impossible. L’idée est plutôt de donner un rôle écologique aux infrastructures existantes, tels que quais, digues, bouées.”

Le chercheur est un spécialiste en écologie de la restauration. Il travaille à l’Ifremer, Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, en Méditerranée.


  Photo Ifremer I Olivier Dugornay

 

INCROYABLE BIODIVERSITÉ CACHÉE

De loin, vous voyez des coques, des tiges, ou encore une sorte de chevelure couleur marron. Voilà à quoi ressemblent les supports fabriqués et posés par l’Homme, pour favoriser la biodiversité dans les ports. Ils ont vite été colonisés.

Les images en gros plan révèlent un festival de couleurs acidulées. “Vous voyez des algues, des mollusques, de petits animaux plus ou moins microscopiques. Les couleurs sont authentiques, s’exclame Marc Bouchoucha. Il y a une grande complexité de structures. Là, un petit ver marin, ici une espèce de méduse. Plein de choses vivent dedans.”

“Cela permet de multiplier par deux les densités de juvéniles de poissons”

Cette beauté cachée représente une biodiversité précieuse: “La base de la chaîne alimentaire”. En prenant du recul, on distingue d’autres espèces de plus grande taille, de jeunes poissons. “La mise en place de ces microstructures artificielles complexes dans les ports permet de multiplier par deux les densités de juvéniles de poissons.”

Un résultat plus qu’encourageant qui se vérifie partout où ce type de dispositif est installé. La rade de Toulon en dénombre plusieurs, port de La Seyne-sur-Mer, darses toulonnaises et petit port traditionnel Saint-Louis. “Avec panneau explicatif sur le quai. C’est vraiment du concret.”


  Photo Sonia Bonnin

 

“Des espèces patrimoniales reviennent”

En fond de rade, après les quais militaires, l’Ifremer a posé des nurseries sur son propre site expérimental. “Depuis juin 2020, on plonge toutes les semaines. J’ai vu une augmentation de la biodiversité et de la biomasse des poissons. Des espèces patrimoniales reviennent.”

Par exemple? “Je ne m’attendais pas à retrouver des corbs de 50cm, de gros géniteurs, qui se sont installés. Je n’en avais jamais vu auparavant.” Aussi appelé corbeau de mer, l’espèce est protégée. En ce milieu d’hiver, Marc Bouchoucha se réjouit d’observer “plein de juvéniles de sars”.

THE “BIG ONE” À LA CIOTAT

Cela peut étonner, la plus grande nurserie à poissons d’Europe est installée au pied du plus gros ascenseur à bateaux de France, à La Ciotat. “Cette roselière artificielle de 450m² est une mesure compensatoire à la construction de notre plateforme Atlas, en partie située à la place d’un enrochement naturel, explique Philippe Vincensini, directeur des chantiers navals de La Ciotat. En tout, 10% du budget du projet Atlas ont été consacrés à des mesures prises pour limiter les atteintes à l’environnement.” Soit 7 millions d’euros sur un total de 77 millions.

“La roselière artificielle améliore l’attractivité de notre site”
Philippe Vincensini, directeur des chantiers navals de La Ciotat

L'ascenseur à bateaux de 4.300 tonnes se positionne sur le marché des méga yachts, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Cet investissement dans “la roselière” n’est pas à considérer comme un coût, assure encore Philippe Vincensini. “On sait que cela ne constitue pas forcément un handicap. L’avenir du yachting passe par une image environnementale améliorée. Nous devons nous orienter vers une activité plus vertueuse. Cela améliore l’attractivité de notre site.”

Accrochées horizontalement par des sangles, les roselières de la société Seaboost ne gênent pas les  yachts dans leur manœuvre.


  Ifremer I Dugornay Olivier

 

Pourtant, la grande plaisance n’est pas synonyme de vertu écologique. “Les nouveaux propriétaires de yachts ont rajeuni, répond le directeur général de La Ciotat Shipyards. C’est aussi une génération qui est plus sensible à l’image qu’elle renvoie”.

Installés depuis six mois, ces nichoirs portent leurs fruits, jauge Gérard Carodano, pêcheur professionnel de La Ciotat, même s’il estime qu’il y a “toujours eu du poisson ici”. Selon lui, grâce à “une excellente qualité de l’eau, qui remonte des grandes profondeurs, chargée de plancton”.

“Vous créez un habitat, un biotope; vous pêchez dessus”
Gérard Carodano, pêcheur professionnel à La Ciotat

“Cela fonctionne bien car, avec un quai en béton, les larves ont du mal à se protéger”, décrit Gérard Carodano. Les juvéniles de daurades, de pageots ou “roucaou” (famille des girelles) aiment “se planquer dans la roselière”. “Les herbes poussent dessus. Dès que vous avez de la lumière et de l’eau, la vie se crée.”

Le pêcheur est un défenseur des récifs artificiels: “Vous créez un habitat, vous créez un biotope, le poisson se développe, vous pêchez dessus, ça enlève de l’intensité sur les zones qui sont pêchées”. Depuis son bateau dans le port, il se décrit comme “une sentinelle de la Méditerranée”.

DEUX QUESTIONS À SE POSER

Comment mesurer l’efficacité des nurseries artificielles? C’est une question à laquelle s’attèle Marc Bouchoucha. “Si je me limite à compter les poissons, je constate que j’en ai davantage, c’est une réalité. Mais quel est l’impact réel? Est-ce que je suis sur une tête d’épingle? On a besoin d’une réflexion plus globale.”

“Si ces poissons ne s’échangent pas avec les populations au large, poursuit le chercheur de l’Ifremer, j’ai créé un îlot de biodiversité” qui profitera peu au milieu naturel.


  Photo Ifremer I Olivier Dugornay

 

"Il y a un éléphant dans la pièce”
soulève une étude scientifique récente

Ensuite, il y a un phénomène, décrit dans une étude très récente, comme “the elephant in the room”. Un éléphant dans la pièce, donc. La question est la suivante: les nurseries risquent-elles de “favoriser une espèce qui pourrait déstabiliser son environnement?”

Amenées par le réchauffement de la Méditerranée, des espèces exotiques (invasives ou non) profitent elles-aussi des nurseries artificielles. En passager clandestin? Prend-on le risque de faciliter leur diffusion, au risque de fragiliser encore plus des équilibres déjà précaires? (décembre 2022, The elephant in the room: Introduced species also profit from refuge creation by artificial fish habitats, par Robin, Bouchoucha…)

ÉCHECS RETENTISSANTS ET UNE QUESTION SUR LE PLASTIQUE

Car des mauvaises idées, on en a eu par le passé. Un exemple retentissant est celui des pneus immergés, au large de Vallauris, dans les Alpes-Maritimes. Dans les années quatre-vingts, 25.000 pneus ont été jetés au fond de l’eau, pour créer un récif à poissons. “Ces pneus étaient censés amener un relief avec de la complexité, narre Marc Bouchoucha. Or ils relarguaient des polluants dans le milieu marin. L’opération de restauration écologique a consisté… à retirer les pneus.”

“Les matériaux doivent être très durables, ils subissent de fortes contraintes”

Mais du plastique, certains systèmes de nurserie en contiennent, même s’il s’agit de polymères qui n’ont rien à voir avec du pneu de voiture. N’est-ce pas une fausse piste? “C’est une véritable question, car vous êtes sur des projets qui ne doivent pas augmenter la pression de la pollution, analyse Marc Bouchoucha. Effectivement, certaines solutions sont en polymère, je me suis tout de suite interrogé. Les matériaux doivent être très durables, ils subissent de fortes contraintes. On n’a pas tant de choix. Certains sont biosourcés, mais je n’ai pas d’expertise dans ce domaine.”

Le chercheur témoigne d’une bonne résistance dans le temps, après avoir plongé en baie de Marseille sur des structures vieilles de dix ans et qui n’ont “absolument pas bougé”.

Il n’empêche, les matériaux utilisés et leur durée de vie restent un sujet de réflexion.

À GOLF-JUAN, DES ACTIONNAIRES CONVAINCUS

À Golf-Juan, la méthode choisie est composée de matériaux recyclables et biodégradables. Depuis mars 2020, une quarantaine de “Biohut” de la société Ecocean est immergée dans le port de Camille-Rayon, déjà certifié “Port propre”. Les 46 dispositifs sont placés “sous les pontons, ou bien contre le quai. On peut voir les petites espèces… et les plus gros poissons qui attendent dessous! Cela sensibilise tout le monde, il y a de la vie sous l’eau”, se réjouit Alexandre Joskowicz, le maître de port.

“Un gros budget pour placer les nurseries à poissons, mais subventionné à 60%”
Alexandre Joskowicz, le maître de port de Camille -Rayon

Le projet s’est concrétisé alors que d’autres actions étaient déjà engagées. Du combat contre les mégots, à la promotion de produits certifiés Écocert, “respectueux de l’environnement”, pour l’entretien usuel des navires. Les nurseries à poissons ont représenté “un gros budget, mais subventionné à 60% par l’Agence de l’eau et la Région”.


  Photo Philippe DEPETRIS

 

Pour valider le projet, il a fallu défendre la démarche auprès des actionnaires du port. “C’est moi qui l’ai proposé, poursuit Alexandre Joskowicz, c’est une image de qualité vis-à-vis des clients. Les actionnaires ont adhéré et cela participe d’un équilibre général de l’écosystème.” Quant aux propriétaires de bateaux, “ils ont de fortes attentes envers le milieu marin, ils viennent pour leur bon temps. Beaucoup ont bien compris l’intérêt”.

“Qu’allons-nous transmettre à nos enfants? Attention, une nurserie, ce n’est pas Port-Cros”
Marc Bouchoucha, chercheur en écologie de la restauration à l'Ifremer

À terre, les écoliers peuvent découvrir l’un de ces drôles de “nichoirs à poissons”. Sorti de l’eau, l'un d'eux peut être observé dans un aquarium loupe. À Golf-Juan, une prochaine session est prévue le 13 avril.

C’est aussi aux générations futures que pense le chercheur Marc Bouchoucha. “Être au niveau des attentes de la société, c’est se demander ce que nous allons transmettre à nos enfants. Attention, l’Homme n’est pas capable de recréer toutes les fonctions d’un habitat naturel. Ce qu’on fait, ce n’est pas Port-Cros, c’est important de le dire.”

Le scientifique a pu lire des conclusions “parfois simplifiées”. La restauration écologique “ne doit pas servir de justification à la destruction des espaces naturels.”

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